
Focus sur la prescription fiscale
La question du délai dont dispose l’administration fiscale pour contrôler une situation fiscale est centrale pour tout contribuable.
Le contrôle fiscal, s’il peut susciter de l’appréhension, obéit à des règles strictes, et parmi elles, la prescription fiscale occupe une place de choix.
Ce délai de prescription balise le pouvoir de l’administration, protège le contribuable et pose les fondements de la sécurité juridique.
1. Qu’est-ce que la prescription fiscale ?
Le droit de reprise de l’administration, c’est-à-dire la possibilité de revenir sur des déclarations passées pour redresser des insuffisances ou omissions, est enfermé dans des délais précis, dont la durée varie selon l’impôt concerné.
La prescription fiscale fixe la durée pendant laquelle l’administration fiscale peut exercer ce droit de contrôle et de rectification des déclarations fiscales déposées.
Elle éteint l’action de l’administration fiscale pour réclamer l’impôt à l’issue d’un certain délai.
Une fois ce délai écoulé, le contribuable n’est plus tenu de payer l’impôt en question, sauf exceptions prévues par la loi.
La prescription fiscale est ainsi une limite temporelle opposable à l’administration, qui permet au contribuable de ne pas rester indéfiniment sujet à un redressement ou un rappel d’impôt.
2. Les principaux délais de prescription
a) Impôt sur les sociétés (IS) et impôt sur le revenu (IR)
Pour l’IR comme pour l’IS, le délai de prescription est de trois ans. Ce délai commence à courir à compter de l’année suivant celle au titre de laquelle l’impôt est dû.
Concrètement :
- Pour l’impôt sur le revenu dû au titre de l’année 2022, l’administration peut vous vérifier vos déclarations jusqu’au 31 décembre 2025.
- Pour une société clôturant son exercice en décembre 2022, l’impôt sur les sociétés afférent à cet exercice pourra être vérifiée jusqu’au 31 décembre 2025.
b) Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)
Le délai de prescription pour la TVA est également de trois ans, selon le même fonctionnement que pour l’IR et l’IS. Il expire donc le 31 décembre de la troisième année suivant celle au titre de laquelle la taxe est devenue exigible.
c) Droits d’enregistrement et IFI
Droits d’enregistrement
En matière de droits d’enregistrement (par exemple, lors de la vente d’un bien immobilier, d’une donation ou d’une succession), le délai de prescription est de trois ans en présence d'un acte enregistré ou d'une déclaration complète.
En cas d'omission déclarative, le délai de prescription applicable est de six ans.
Exemple : Si un bien immobilier est omis dans une déclaration de succession déposée en 2020, l’administration pourra rectifier la déclaration jusqu’au 31 décembre 2026.
Impôt sur la fortune immobilière (IFI)
Pour l’IFI, la prescription est de six ans pour les biens omis, mais de trois ans pour la contestation de l'évaluation des biens déclarés.
d) Les impôts locaux
Pour les impôts locaux (taxe foncière, taxe d’habitation, taxes annexes), le délai de prescription est plus court : il est de un an, et expire le 31 décembre de l’année suivant celle au titre de laquelle l’imposition est due.
Exemple : Pour la taxe foncière due au titre de 2024, le délai de reprise expire le 31 décembre 2025.
Pour la cotisation foncière des entreprises (CFE) et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), le délai de prescription est de trois ans, comme pour l’IS et l’IR.
3. Les cas de prescription allongée
Lorsque l’administration constate une activité occulte, une fausse domiciliation fiscale à l'étranger, une dissimulation d’avoirs à l’étranger, ou une fraude fiscale, le délai de prescription est porté à dix ans.
Exemple : En cas de découverte d’un compte bancaire non déclaré à l’étranger en 2025, le fisc pourra remonter jusqu’en 2015.
En cas de mise en oeuvre de l'assistance administrative internationale, si l'administration fiscale française sollicite des renseignements auprès d’un autre État, le délai de prescription peut être prolongé en fonction de la date de réception de la réponse étrangère, et ce jusqu’à cinq ans supplémentaires dans certains cas.
4. Comment se calcule le délai de prescription ?
Le mode de calcul de la prescription varie selon les impôts et la nature du fait générateur.
Départ du délai : le fait générateur
Le délai court généralement à compter du fait générateur de l’impôt ou de l’année d’imposition.
- Impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés, TVA : le délai commence à courir à la fin de l’année d’imposition.
- Droits d’enregistrement : le délai court à compter de l’enregistrement de l’acte , du décès pour les droits de succession, de l'acceptation du donataire pour les donations.
Fin du délai
- Date butoir : Le délai est presque toujours fixé au 31 décembre de l’année concernée, permettant ainsi une date de prescription uniforme et facilement identifiable.
5. L’interruption de la prescription fiscale
Le délai de prescription n’est pas intangible. Plusieurs événements peuvent l’interrompre ou le prolonger. Il est donc crucial de bien les connaître.
a) Les événements interruptifs
Certains actes interrompent la prescription et font courir un nouveau délai de même durée à compter du 1er janvier suivant.
Les principaux actes interruptifs sont :
- La notification d’une proposition de rectification ;
- La notification d’un procès-verbal ;
- Tout acte comportant reconnaissance de dette envers le Trésor ;
- Les actes interruptifs de droit commun (jugement, etc.).
b) Effets de l’interruption
- L’interruption fait courir un nouveau délai de prescription, de même durée que le délai initial.
- Cette interruption vaut aussi bien pour les droits simples que pour les pénalités afférentes si celles-ci sont mentionnées dans la proposition de rectification.
6. Exceptions de contrôle au-delà de la prescription
Certaines situations permettent à l’administration de remonter au-delà de la période normalement prescrite.
a) Contrôle des déficits reportés
L’administration peut vérifier la réalité des déficits constatés sur des exercices prescrits lorsqu’ils sont imputés sur des exercices non prescrits.
Le droit au report en avant des déficits subis par les sociétés soumises à l'IS étant illimité, le droit reconnu à l'administration de contrôler la réalité des déficits peut remonter sans limitation dans le temps.
b) Contrôle des créances de report en arrière
L’administration peut vérifier les éléments de calcul d’une créance de report en arrière des déficits (« carry-back »), même s’ils résultent d’exercices prescrits (LPF, art. L. 171 A).
7. Les garanties lors d'un contrôle fiscal
Le contribuable bénéficie de garanties importantes lors d’un contrôle fiscal :
- Droit à l’information : notification d’un avis préalable de vérification ou d’examen de comptabilité.
- Assistance d’un conseil : possibilité de se faire assister par un conseil de son choix.
- Débat oral et contradictoire : faculté de présenter des observations et d’obtenir une réponse de l’inspecteur.
- Interdiction du double contrôle : l’administration ne peut pas renouveler un examen déjà effectué pour la même période et le même impôt.
- Garantie contre les changements de doctrine : la doctrine administrative publiée et favorable au contribuable devient opposable à l’administration dans certaines conditions.
8. Conclusion
La prescription fiscale n’est pas seulement un délai technique : c’est une garantie fondamentale pour le contribuable, qui limite dans le temps le pouvoir de contrôle de l’administration et assure la sécurité juridique.
Connaître ces délais, leurs modalités de calcul, les cas d’interruption et de prorogation, et les garanties associées, permet de mieux défendre ses droits et de limiter les risques en cas de contrôle fiscal.
Face à la complexité des règles, l’accompagnement par un avocat fiscaliste permet d’anticiper les risques, de sécuriser sa situation fiscale et de réagir efficacement en cas de contrôle. N’hésitez pas à consulter le cabinet pour un audit fiscal de conformité ou pour toute question relative à la prescription fiscale.
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